Elle et mon genre

La presse


Comme en écho avec ce texte de Nadine Walsh, la nouvelle création du metteur en scène et comédien Alberto Garcia Sanchez, Elle et mon genre, présentée pour la première fois en public à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, vendredi 27 octobre, traitait plus ou moins du même thème, la place des femmes dans notre société, ou plus exactement le regard que portent les représentants des deux sexes sur cette réalité. Fruit d’une commande spécifique de Stéphanie Bénéteau, directrice artistique du Festival interculturel du conte de Montréal, dans le cadre du volet de la programmation intitulé « Femmes d’ici, femmes du monde », qui souhaitait que la parole sur la condition féminine ne soit pas uniquement incarnée par des conteuses, mais aussi par des conteurs, ce spectacle est, disons-le d’emblée, une vraie réussite, un véritable bijou de finesse, d’humour et de virtuosité verbale.







Comme il le faisait déjà dans Machintruc, dont j’ai rendu compte sur ce blog en septembre 2016, Alberto Garcia Sanchez excelle dans l’art de jongler avec les mots, de faire jaillir une multitude d’images à partir de situations en apparence anodines. Partant d’une idée déjà maintes fois utilisée au cinéma ou au théâtre, l’échange de corps entre un homme et une femme, en l’occurrence le conteur lui-même et son épouse, il brode toute une série d’histoires ‒ chroniques de la vie ordinaire, récits de vie et motifs tirés de contes traditionnels ‒ autour de la condition des femmes, de la question des genres, et joue très habilement avec les clichés et les stéréotypes qui ne manquent pas sur ce sujet. Si l’humour est souvent de mise, et que l’on rit de bon cœur au comique de certaines situations, l’émotion et le tragique ne sont jamais très loin non plus, notamment quand il évoque ses relations avec sa fille adolescente ou le drame des violences faites aux femmes (en particulier l’image de cette jeune femme de 18 ans violée et assassinée par deux hommes sur une plage en Equateur, découverte au détour de la rubrique « Faits divers » d’un journal, qui revient comme une sorte de fil rouge tout au long du spectacle). Avec cette nouvelle création, Elle et mon genre, Alberto Garcia Sanchez élève une fois de plus le conte à un niveau d’excellence vraiment appréciable et parvient à séduire tous les types de publics.


Cristina Marino, journaliste au Monde

« un véritable bijou de finesse, d’humour et de virtuosité verbale »

De et par

Alberto García Sánchez


avec la collaboration artistique de

Sigrun Kilger, Manon Dumonceaux et Anne Marchionini


l'aide à l'écriture de

Magali Armengaud


Présentation


De quel droit, se met-il à parler de cette autre moitié de l’humanité à laquelle il n’appartient pas ? C’est la question qui obsède cet homme, comédien à qui l’on demande un jour de concevoir un spectacle qui traite de la condition féminine. Une nuit, l’obsession le cède à l’angoisse et il rêve qu’il échange son corps avec celui de sa femme. Devant l’impossibilité de se réveiller, c’est dans le rêve qu’il… ou devrait-on dire « elle » ? Bref ! C’est dans le rêve qu’il/elle doit honorer son engagement, et comme il n’y a pas d’autre solution, c’est sa femme, avec son corps à lui, qui monte sur les planches...


Ce préambule largement inspiré de faits réels, c’est le début d’un récit à plusieurs histoires… Celle de la femme qui rencontre l’enfant qu’elle a décidé de ne pas avoir… Celle de cette jupe qui cherche désespérément quelqu’un qui puisse la raccommoder… Ou encore cette parabole clairvoyante du prince qui voulait à tout prix qu’un magnifique oiseau reste vivre dans son salon pour qu’il puisse l’admirer depuis son fauteuil…


                                                                   Autant de légendes et d’histoires  vraies  collectées par  Alberto Garcia Sanchez au gré de ses

                                                                   pérégrinations un peu partout sur la planète  et  qui ressurgissent à point nommé au moment

                                                                   où les droits des femmes se posent à nouveau de façon cruciale.   


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C'est savoureux, c'est drôle, c'est touchant, c'est interpelant.


BXFM Bruxelles Françoise Royer 26 janvier 2022   


En sortant du théâtre j'étais encore plus féministe qu'en y rentrant. (…) Il faut que nous, les hommes, on voit se genre de spectacle pour qu'on prenne conscience du problème pour faire changer les choses.


Lirim Tasdélèn RTBF 25 janvier 2022

Note d’intention

 


ELLE ET MON GENRE nous parle de la réalité que subissent les femmes dans notre société. Bien que les femmes soient le thème principal du spectacle, un autre thème, moins évident, a été omniprésent pendant le processus d’écriture, à savoir le regard que nous, hommes et femmes, portons sur la réalité des femmes.

 

Nous connaissons tous les problèmes de cette moitié de l’humanité : violences de genre, différences salariales, partage inéquitable des tâches ménagères… Attendez une seconde ! Avez-vous res-senti, lorsque vous avez lu « nous con-naissons tous » une légère fatigue ? Voire même une petite envie d’arrêter de lire ? Si « nous connaissons tous » alors à quoi bon en parler ? Il semblerait que la lutte pour les droits des femmes en occident soit dominée par ce qu’on pourrait appeler le syndrome du « nous le savons déjà », qui nous invite d’un côté à tourner vite les pages et de l’autre à investir notre indignation dans ce qui se passe dans d’autres cultures car dans la nôtre, « nous le savons déjà », nous avons déjà beaucoup avancé. C’est ainsi que ceux et surtout celles, qui résistent et persistent à dénoncer les injustices que subissent nos concitoyennes sont facilement censuré-e-s parce qu’ils/elles s’obstinent à nous dire juste ce que « nous savons déjà ».


La représentation qu’on se fait d’une injustice est déterminée par le regard qu’on y porte. Il nous faut donc provoquer, secouer et réveiller notre regard, il nous faut ôter la couche de poussière qui couvre ce que « nous savons déjà » et redécouvrir les femmes dans toute leur grandeur et avec toute la considération qui leur est due.

 

L’art du conte nous invite, pour un instant, à fermer les yeux et à nous distancier du réel. C’est bien sa force, car curieusement c’est en plongeant dans le mensonge que le conte touche et appréhende une vérité, sa vérité. ELLE ET MON GENRE n’avance pas des consignes ni ne propose de stratégie ou de rapport politique car, certes, l’art n’a pas le pouvoir de changer la réalité, mais il peut agiter et secouer le regard qu’on porte sur elle. Elle et mon genre présente une série de contes sur des thèmes comme la maternité, la violence ou la dictature du complexe mode-beauté ; parfois ces contes, par le biais de la fantaisie et de l’improbable s’éloignent de la réalité pour mieux se rapprocher d’elle. Ces contes évoquent les premiers plans de l’injustice, ce sont des portraits de femmes qui, avec leur tendresse, leurs blessures et leur gloire, font face à l’injustice et à ses contradictions. Avec curiosité et respect, ELLE ET MON GENRE expose sur scène des éléments de réflexion et laisse au spectateur le soin de composer lui-même les conclusions et les leçons à en tirer.

 

Elle et mon genre propose un regard sur la réalité des femmes. Certes, le regard d’un homme, blanc en plus, hétérosexuel en principe, avec un passeport européen, résident belge et de surcroît catalan ! Mais ce regard, mon regard, est comme mon identité, toujours à la merci de l’empathie, car si je suis Alberto García, il m’arrive d’être Salvador Allende, il m’arrive d’être palestinien, ou d’être noir, indien ou homosexuel, il m’arrive d’être la personne handicapée devant un ascenseur en panne, la femme agressée qui cache un bleu derrière une mèche de cheveux, l’enfant lors de son premier jour d’école ; je serai toujours Hiroshima et Auschwitz. Dans ce sens, et même s’il appartient en premier lieu aux femmes d’être les architectes de leur propre libération, je suis les femmes, nous sommes les femmes. Les injustices qu’elles subissent sont ancrées dans les tripes de l’humanité entière, elles sont nos injustices et nous, hommes et femmes, ne pouvons pas y être indifférents, puisque la lutte pour les droits des femmes est intimement liée à la lutte pour les droits de l’humanité.

 

Si l’on considère l’histoire de l'Occident, on voit que les droits des femmes ont beaucoup avancé, c’est indéniable. Mais ces droits sont terriblement fragiles et nous nous devons d’avoir toujours bien présents à l’esprit les propos de Simone de Beauvoir :

 

        « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou         religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».